La directive européenne 2009/147/CE, dite directive "Oiseaux" q, vise la conservation des espèces d'oiseaux sauvages présentes naturellement sur le territoire de l'Union européenne (UE). En plus de devoir mettre en œuvre des mesures de protection, les États membres sont tenus d'évaluer tous les six ans l'état de conservation et la tendance des espèces d'oiseaux concernées[1].
Un cadre commun pour l’évaluation et la conservation
La directive "Oiseaux" 2009/147/CE q a pour objectif d'assurer le maintien ou le rétablissement dans un état de conservation favorable de toutes les espèces d'oiseaux sauvages présentes en Europe (plus de 500 espèces), et ce sur toute leur aire de répartition naturelle au sein de l'UE, indépendamment des frontières. Afin de déterminer l'état de conservation et les tendances de chaque espèce, les États membres doivent analyser une série de paramètres tels que la taille des populations, l'aire de répartition, la surface réellement occupée par l'espèce au sein de cette aire, ainsi que la tendance des effectifs et de la répartition (expansion ou régression de l'aire occupée). Au niveau belge, l'ensemble des 230 espèces d'oiseaux présentes naturellement sur le territoire sont concernées[2], que celles-ci soient nicheuses[3], hivernantes ou de passage en migration, et qu'elles soient communes[4] ou rares. Partant des résultats pour la Belgique, les données wallonnes ont été extraites à ce stade pour les 161 espèces nicheuses indigènes de Wallonie afin de dresser l'état de conservation et les tendances à l'échelle de ce territoire.
État favorable pour la moitié des espèces d'oiseaux
Sur la période 2013 - 2018, l'état de conservation[5] était considéré comme favorable pour 80 espèces sur 161 (50 %), inadéquat pour 22 espèces (14 %), mauvais pour 48 espèces (30 %) et inconnu pour 11 espèces (7 %). Parmi les espèces en état favorable se trouvent une majorité de passereaux (55 espèces, dont la fauvette à tête noire, la pie-grièche écorcheur ou le troglodyte mignon). Ce large groupe (81 espèces) reprend une proportion importante (75 %) d'espèces dites communes. Près d'1/3 des espèces de passereaux sont toutefois en état inadéquat ou mauvais. Au rang des espèces en mauvais état de conservation, les cas les plus préoccupants sont la bécassine des marais, le râle des genêts, la gélinotte des bois, le tétras lyre, l'huîtrier pie ou l'engoulevent d'Europe.
État de conservation des espèces d'oiseaux en Wallonie, par groupes taxonomiques (2013 - 2018)
n = nombre d'espèces
* Groupes taxonomiques sur base de la classification européenne. Certaines familles d'espèces ne se retrouvent pas sur le territoire wallon (pélicans, flamants ou pingouins p. ex.).
n = nombre d'espèces
* Groupes taxonomiques sur base de la classification européenne. Certaines familles d'espèces ne se retrouvent pas sur le territoire wallon (pélicans, flamants ou pingouins p. ex.).
Évolutions contrastées au sein de l'avifaune wallonne
Entre les périodes 2007 - 2012 et 2013 - 2018, il y avait presque autant d'espèces en augmentation (57 espèces, 35 %) qu'en diminution (58 espèces, 36 %), tandis que 37 espèces (23 %) montraient une tendance stable. La tendance était fluctuante pour 4 espèces (2 %) et incertaine ou inconnue pour 5 espèces (3 %).
Tendance plutôt positive pour de nombreuses espèces rares
Parmi les espèces à évolution positive entre les périodes 2007 - 2012 et 2013 - 2018, un certain nombre sont des espèces dites patrimoniales. Il s'agit d'espèces menacées, vulnérables, rares ou ayant un intérêt scientifique ou symbolique (faucon pèlerin ou grand-duc d'Europe p. ex.). Ces espèces listées à l'annexe I de la directive "Oiseaux" doivent faire l'objet de mesures de conservation spéciale. Certaines de ces espèces ont bénéficié des mesures mises en place. D'autres profitent d'une expansion au niveau européen. Les effectifs globaux des populations de ces espèces restent toutefois le plus souvent réduits.
Parmi les groupes dont une majorité des espèces sont en augmentation, on retrouve des espèces associées aux milieux humides[6]. Certaines sont d'ailleurs apparues en Wallonie au cours des 40 dernières années. De nombreux oiseaux d’eau montrent en effet une dynamique positive en Europe depuis la fin du 20ème siècle suite à l’arrêt du braconnage et d'une chasse excessive et grâce à une meilleure protection des zones humides à travers le continent. En Wallonie, leur implantation est toutefois souvent fragile car ces milieux humides restent rares et de dimensions réduites[7].
Les rapaces diurnes (épervier d’Europe ou faucon pèlerin p. ex.) montrent eux aussi une tendance positive, bénéficiant notamment de l’interdiction de certains pesticides[8]. Pour les rapaces nocturnes, la tendance est plus mitigée[9].
Tendance préoccupante pour les espèces communes, a fortiori agricoles
Présentant des effectifs plus importants, les espèces communes montrent globalement une tendance nettement moins positive que celle des espèces plus rares. Dans le groupe des passereaux, près de la moitié des espèces montrent une tendance à la diminution (étourneau sansonnet ou moineau friquet p. ex., espèces autrefois très abondantes). Les espèces communes font l'objet en Wallonie d'un suivi annuel particulier q. Selon ce suivi, 56 % des espèces communes étaient en déclin sur la période 1990 - 2021. Les espèces des milieux agricoles sont les plus affectées (bruant proyer, tourterelle des bois ou vanneau huppé p. ex.). En cause, la transformation progressive de ces milieux en lien avec l'intensification des pratiques agricoles : perte d'éléments du paysage tels que haies, mares ou bosquets, réduction des prairies permanentes, raréfaction des vergers hautes tiges traditionnels…
Tendance des espèces d'oiseaux en Wallonie, par groupes taxonomiques (entre les périodes 2007 - 2012 et 2013 - 2018)
Tendance des espèces d'oiseaux en Wallonie, par groupes taxonomiques (entre les périodes 2007 - 2012 et 2013 - 2018)
n = nombre d'espèces
* Groupes taxonomiques sur base de la classification européenne. Certaines familles d'espèces ne se retrouvent pas sur le territoire wallon (pélicans, flamants ou pingouins p. ex.).
n = nombre d'espèces
* Groupes taxonomiques sur base de la classification européenne. Certaines familles d'espèces ne se retrouvent pas sur le territoire wallon (pélicans, flamants ou pingouins p. ex.).
Poursuivre les efforts pour les espèces rares ; enrayer le déclin des espèces communes
En Wallonie, comme en Europe (où 39 % des espèces d'oiseaux étaient dans un état de conservation inadéquat ou mauvais sur la période 2013 - 2018)[10], l’objectif d'enrayer la détérioration de l'état des espèces d’oiseaux, fixé dans la Stratégie de la biodiversité pour 2020 q, reste non atteint. La nouvelle Stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité q a fixé comme objectif qu'au moins 30 % des habitats et des espèces qui ne présentaient pas un état favorable en 2020 obtiennent d'ici 2030 le statut d'état favorable ou affichent une tendance nettement positive. De nombreuses espèces d'oiseaux, en particulier les espèces rares et emblématiques, ont déjà bénéficié des mesures mises en œuvre en Wallonie, à commencer par la désignation du réseau Natura 2000 q. Dans le cadre du projet LIFE Belgian Nature Integrated Project (BNIP) (2015 - 2023) q, des plans d’action ciblant des espèces d'oiseaux sont établis. Les progrès enregistrés en Wallonie peuvent également être mis en relation avec les travaux de restauration entrepris dans le cadre de divers projets LIFE q ou dans le cadre de la mise en œuvre de mesures de gestion conservatoire dans les réserves naturelles q. Mais des efforts supplémentaires restent à fournir, notamment pour inverser la tendance au déclin des espèces communes, en particulier celles liées aux milieux agricoles q. À ce sujet, les mesures renforcées de la politique agricole commune (PAC) post 2020, d'application dès 2023, doivent intégrer notamment les objectifs de la Stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 q.
[1] Pour l’évaluation de l’état de conservation des espèces d’intérêt communautaire autres que oiseaux, voir la fiche d’indicateurs "État de conservation des espèces d’intérêt communautaire" q. Pour l’évaluation de l’état de conservation des habitats d'intérêt communautaire, voir la fiche d’indicateurs "État de conservation des habitats d’intérêt communautaire" q
[2] Les données détaillées (au niveau européen, par État membre ou par espèce) peuvent être consultées sur le portail du Réseau européen d’information et d’observation pour l’environnement (Eionet) q.
[3] Ensemble des espèces d'oiseaux qui se reproduisent sur le territoire, ne comprenant donc pas les espèces seulement hivernantes ou les espèces qui ne sont que de passage en migration
[4] Les espèces dites communes sont les espèces d'oiseaux nicheurs les plus répandues (merle noir, pic épeiche ou troglodyte mignon p. ex.). Voir à ce sujet la fiche d'indicateurs "Évolution des populations d'oiseaux communs" q
[5] L'état de conservation des espèces d'oiseaux a été défini à partir des valeurs de la liste rouge q. L'état favorable correspond à la catégorie "préoccupation mineure" de la liste rouge, l'état inadéquat correspond à la catégorie "quasi menacée", l'état mauvais correspond aux catégories "vulnérables", "en danger", "en danger critique" et "éteinte au niveau régional", et l'état inconnu correspond à la catégorie "données insuffisantes".
[6] Ces espèces sont reprises dans les groupes taxonomiques "Cigognes et flamants", "Canards, oies et cygnes", "Échassiers, goélands et pingouins" et "Hérons, pélicans, ibis et spatules".
[7] Plusieurs espèces sont ainsi cantonnées à un seul site (les marais d’Harchies) et leurs populations restent très vulnérables.
[8] Comme ceux de la famille des organochlorés (DDT p. ex.)
[9] Déclin du hibou moyen-duc et de la chevêche d’Athena, retour du grand-duc d’Europe et apparition récente de la chevêchette d’Europe
[10] Pour les résultats à l'échelle européenne, voir les documents relatifs au rapportage en vertu de la directive "Oiseaux" sur le site de la Commission européenne q, en particulier le Rapport de la Commission européenne sur l'état de conservation de la nature dans l'Union européenne q ainsi que le rapport détaillé de l'Agence européenne pour l'environnement sur l'état de la nature dans l'Union européenne q
Évaluation
Etat défavorable et évaluation de la tendance non réalisable
- (i) directive 2009/147/CE q - objectif d'assurer la conservation de toutes les espèces d'oiseaux sauvages, (ii) Stratégie de la biodiversité pour 2020 q - objectif de garantir le maintien des populations des espèces d’oiseaux à un niveau adéquat
- Pour la période 2013 - 2018, 70 espèces d'oiseaux sur 161 (soit 44 %) étaient dans un état défavorable (état inadéquat : 22 espèces ; mauvais état : 48 espèces).
Une évaluation unique de la tendance n’est pas réalisable. En effet, il y a de multiples situations selon les espèces.